mardi 15 juin 2010

Le Peigne

09 avril 2010
Le Bag Noz/Vannes
Festi Vannes


 La chose s’est passée le vendredi 9 avril dernier dans le cadre de Festi Vannes, où nous étions programmés dans le bar Le Bag Noz . Après un concert marathon (quasiment trois sets), Julien et moi sortons du bar, gobelet à la main. On discute dehors. Déterminé, un type déboule vers nous. La petite soixantaine, cheveux ras et blanc, veste treillis d’un joli vert camouflage. Avec ce look, digne d’un bras droit du colonel Bigeard , le type peut aussi faire penser au  De Niro flippant de Taxi Driver :

Le type : 'Savez que c’est interdit de boire dehors?
Moi : oui mais on a encore un pied dans le bar et puis il fait chaud à l’intérieur.
Le type : Mouais…
Julien et moi : …
Le type : Hey les gars, vous savez ce que c’est l’arme de défense par excellence ?
Moi : Non.
Le type : Un peigne !

Le type
Il sort un petit peigne de sa veste avec jubilation (détail qui compte: l’homme est presque chauve).

Le type : Avec ça on peut immobiliser un mec… 'suffit de pas grand-chose hein?
(Il s’adresse à moi et je sens la situation glisser dans le bizarre)
Moi : Ah ouais c’est possible…
Le type : tiens regarde, j’te montre doucement.

Sans avoir le temps de dire le moindre mot, je me retrouve avec les dents du peigne sur la gorge. Pensant d’abord avoir affaire à un banal cas d’ivrogne, j’ai maintenant la quasi certitude d’être tombé sur un illuminé abonné à  Self défense magazine. Il mime alors une geste qui rappelle un égorgement (j’en déduis qu’il s’agit d’un égorgement car il est rare qu’on se peigne la pomme d’Adam).

Moi : Ah oui effectivement…
(Julien et moi commençons à avoir un rire jaune. Le type nous colle de plus en plus)
Le type : Ça vous fait marrer ? (se retournant vers Julien) tu rigoles toi?
Julien : Non, non...mais c’est qu’un peigne quand même.

Réussissant à regagner le bar, Julien me rejoins quelques secondes après en m’expliquant que l’individu venait de lui demander s’il connaissait la meilleur méthode pour « buter un mec »...

V.

samedi 12 juin 2010

L’international

O2 juin 2010 
L'International/Paris
Soirée Third Side Records

                    C’est « la bite au feu » que nous partons ce mercredi 2 juin pour Paris, direction le lieu-dit "l’International". Personne ne sait vraiment ce que signifie cette expression usitée (et sans doute crée) par François, mais lancée comme ça, on visualise en gros. La « bite au feu » donc et même « la fleur au fusil » tant l’envie d’en découdre est palpable.

Outre Manceau, les conscrits du plateau concocté par le quasi culte label de musique de jeunes Third Side Records sont Basquiat Black Kingdom et Yeti Lane. Deux formations où l’on peut croiser l’orfèvre Armand Melies et les anciens Cyann & Ben. Bref, on est plus ici dans l’épicerie fine de la pop indé que chez les grossistes pré pubères du post punk. Dans ces conditions, il va s’en dire qu’ouvrir la soirée relève pour nous d’un honneur. Entre Thorigné Fouillard, QG bucolique de notre ingé-son Oliv où nous chargeons son Espace en fin de matinée et l’Obélisque de la Concorde, quatre petites heures auront défilées à une vitesse presque subliminale. Un exploit quand on connaît la monotonie et le mal de cul occasionnés d’ordinaire par un tel trajet ainsi que la glauquitude de l’éternel ballet pipi/café/sandwich Daunat/clope sur aire d’autoroute.                                  
Au volant, Oliv a eu d’emblée la bonne idée de glisser le superbe et méconnu "Road to Rouen" de Supergrass dans le lecteur. Un bon point pour notre homme, par ailleurs doué d’ubiquité (il est aux manettes avec X Makeena, aux futs avec Nimh et fait souvent des piges pour les Wanking Noodles, Aïwa, et les Russian Sextoys).C’est peu dire que la route il connaît. Son quotidien est constitué de kilomètres arrosés de Red bull, de feuilles de routes, de fiches techniques, et d’un champ lexical anglophone exotique (patch, linecheck, get in, catering…). Ça fait finalement assez peu de temps qu’on bosse avec Oliv et cette escapade francilienne est aussi pour nous l’occasion de faire plus ample connaissance. Sam, moi et Julien (François, retenu pour affaires n’arrivera que plus tard à Paris en train) seront d’ailleurs régulièrement bluffés par sa capacité d’organisation digne d’un horloger suisse et par son débit de paroles comparable à une kalachnikov des grandes heures de la guerre froide.



 Paris. On arrive devant notre point de chute. Il ne faut jamais négliger les murs des Water-Closet d’une salle de concert car ceux-ci en disent long sur son histoire. Ici, il y a eu beaucoup de passage et la tapisserie de stickers témoigne de ce rendement quotidien de concerts. Basquiat’s Black Kingdom termine ses balances sur la scène relativement spartiate. Leur son est à la fois noisy, racé et fait écho à une certaine élégance vestimentaire (slims rouge, foulards, cuir). Posés sur le rebord d'un canapé vintage, on regarde et on écoute tout en parlant de notre disposition scénique.



                     Balances Manceau : La mine un peu déconfite, Sam et moi installons le matos de François. Après la première bourde (on a oublié ses baguettes), on se fait une frayeur car ses cymbales charley semblent aussi être restées à l’Ouest. Finalement en cherchant bien, elle sont là, planquées dans la housse. Les soundchecks sont souvent un point de stress dans ce type de journée…Le son n'est pas top. J’entends difficilement le clavier principal et les basses ressemblent à un gargarisme de Chubaka. L’accordeur de Julien fait des siennes et occasionne des bruits de feu d’artifice. Pas grave, on boucle l’affaire dans les temps et on se fait une cure de nicotine/houblon à l’étage.



                Juste avant de jouer, on se rend compte qu’il y a pas mal de monde ce soir. L’endroit à l’air d’avoir une clientèle d’habitués et c’est chouette de savoir qu’on va jouer devant un public ! Ca à l’air con dit comme ça, mais on a tous les quatre, avec Manceau ou au sein d’autres projets, déjà jouédevant des salles quasi vides. On remarque quelques people du petit monde de la pop indé: les da Brasilians, Dorothée de the Rodeo, le grand barbu de Herman Dune, Olivier Marguerit: guitariste/clavier de Syd Matters

Le concert se passe. L’impression sonique est la même qu’aux balances et on a un peu du mal à dépasser certaines avaries : le korg bass bizarrement désaccordé, le glockenspiel agressif, quelques pains qui figent nos visages…Il y a souvent un décalage entre ce qu’on ressent sur scène et ce que les gens ont entendu. Mais les commentaires d'après live, enthousiastes et chaleureux, nous rassurent finalement sur la prestation de ce soir. Après une brève conversation sur le trottoir et sous les étoiles avec Michel de Cocosuma, également DA chez Third Side Records, on rejoint le resto d’en face pour un savoureux couscous/debrief, rythmé par une lambada orientalisante sur laquelle deux jeunes couples chaloupent.

Fin de soirée.A table, silencieux, on reprend de la semoule, un oeil sur le spectacle improbable des danseurs moites et l’autre sur l’Espace d’Oliv.

V.